lundi 27 juillet 2015

Episode 5 : premier contact (2)...


5

Bouche bée, Olivia regarde autour d'elle. Lentement, son cœur reprend un battement, s'il n'est pas normal, au moins régulier. De son chignon ébouriffé s'échappent de longues mèches de cheveux bruns. Ses joues sont en feu, mais il ne fait plus si chaud. Plus autant que depuis ce début de mois caniculaire. Ici, la température est celle d'un printemps clément. Si la végétation du parc accueille eucalyptus, chênes, et autres bouleaux, le paysage qui s'offre maintenant à Olivia n'est plus tout à fait le même.
D'immenses cyprès aux larges troncs tortueux s'étalent en lignes droites, des saules pleureurs gigantesques caressent le sol herbeux d'une clairière tachetée de soleil. Des boutons d'or au jaune généreux ponctuent les racines, au-dessus d'une nappe de pelouse haute et bien grasse. 
Des papillons volètent dans les rayons de lumière. Leurs couleurs changent tandis qu'ils se posent d'une fleur à l'autre. Les cimes sont si hautes, loin au-dessus de la tête de la jeune femme, qu'on devine à peine le ciel dissimulé derrière l'épais feuillage.

samedi 25 juillet 2015

Interlude peinture...

L'été, dans le Sud, est une combinaison parfaite de chant de cigales, de chaleur intense et d'odeurs de pin et d'embruns.
En être spectateur, même au travail, c'est être déjà un peu en vacances. Et alors quand vous êtes enfin en congés, alors là, c'est le summum du pied intégral...
Ca, Lillie l'a bien compris. Alors peu importe la manière, la raison, ou l'occasion, dès que la cigale pointe le bout de son museau (bec, nez, groin, antenne, ce que vous voulez...), elle rapplique fissa fissa. Quelques jours, un week-end, plusieurs semaines, le temps de toute façon n'est plus le même avec la ligne d'horizon d'une mer bleue et paisible (paisible à condition de n'y pas trouver de touristes - faut connaître les bons coins, ce qui évidemment est le cas de Lillie, tu te doutes bien !).

Pour s'occuper, éloigner l'ennui qui pourrait éventuellement finir par s'installer, entre deux siestes au bord de la piscine, Lillie ramène toujours avec elle sa hôte à projets. Un énorme sac de noeuds, rempli d'idées farfelues, de croquis préparatoires, de notes de bas de page, de ToDoList périmées... Ce fameux sac dont Lillie sort du boulot tous les jours, qui peut lui générer un salaire, mais que les copains regardent souvent avec l'indulgence d'un parent condescendant... "Mais oui, ma fille, cause toujours et va te trouver un vrai travail !"

Bref, l'été dans le Sud, Lillie est en vacances mais jamais tout à fait. Et c'est exactement ce qu'elle aime. Alors ce week-end là, confortablement installée dans son bureau estival -une table en verre à l'ombre de la terrasse- elle décroche un des tableaux offerts à ses parents, peint un jour d'égarement, il y a quelques années.
Un ensemble de fraises sur fond rose, une petite lutine accoudée à l'une d'elles. Une idée trèèèès originale, aux couleurs tout ce qu'il y a de plus kitch. Il fallait bien faire quelque chose, pour cette œuvre qui brûlait la rétine.

mercredi 22 juillet 2015

Episode 4 : premier contact...

4

"- Ah ! Le con ! s'exclame Olivia, en faisant demi-tour.
Fébrile, elle attrape ses baskets, jette les chaussettes roulées en boule dedans, et les enfile en toute hâte. Courir sur les galets pieds nus n'a jamais été une bonne idée. Sans prendre la peine d'attacher ses lacets, elle repart en trombe. Ludovic est debout, une bouteille d'eau à la main, décontracté.
- Dépêche, je ne le vois plus, signale-t-il, avant de boire au goulot.
Elsa est toujours installée sur sa serviette. Elle observe la scène d'un air amusé. Olivia maugrée dans sa barbe un "Merci du conseil" irrité, et grimpe la pente aussi vite qu'elle peut, glissant sur les pierres sans grâce.
Franchissant la rangée d'arbustes emmêlés, elle débouche dans la clairière ombragée sous un épais toit d'arbres. Il y fait à peine moins chaud que sur la rive, et le sol est vallonné. Dans les creux, on aperçoit de hautes fougères défraîchies. Partout, les herbes hautes, les fourrés touffus grignotent les sentiers. Et pas un seul chien blanc en vue.
- Flaubert ! Au pied !
Elle tend l'oreille. Quelques oiseaux encore vaillants malgré la chaleur chantonnent. On distingue le bruit des feuilles sous la brise. Et non loin de là dans l'épais maquis, les pas d'un animal. Un fugace instant, la jeune femme distingue un éclat blanc. Pour ne pas le faire fuir, elle s'avance discrètement, sans courir. Flaubert est en train de renifler des racines, grattant çà et là la terre. Il ne semble pas conscient de sa présence. Il s'est enfoncé en dehors du sentier, entouré de près par les éricacées et des arbousiers sauvages. Pour le rejoindre, Olivia enjambe des tas de broussailles épineux, et récolte quelques griffures au passage. Comme elle gronde, agacée, dégoulinante de sueur dans la chaleur moite, Flaubert lève la tête vers elle.
- Hé, sac à puces, souffle-t-elle d'une voix qu'elle veut enjôleuse, ce serait sympa que tu ramènes ta fraise par ici !
Ses doigts effleurent le harnais bleu quand elle tend la main à travers des lianes de salsepareille. D'un mouvement fluide, le museau de nouveau collé au sol, le chien se détourne. Pour le rattraper, Olivia s'élance en avant.

mercredi 15 juillet 2015

Episode 3 : la sortie au lac...



3

La douche est salvatrice. L'eau fraîche laisse dégouliner contrariétés et rancœur, les emporte par la bonde de fond. Olivia, trempée, garde la tête appuyée contre le mur blanc, sous le pommeau de douche. Puis elle ferme le robinet, les yeux fermés, attend quelques secondes avant d'écarter le rideau de douche.
Elle enjambe le rebord de la baignoire en émail blanc pour poser le pied sur le tapis. Un tapis épais, chaud, au poil long et dense.
- Ah ! crie-t-elle en reculant, manquant de glisser.
Flaubert est confortablement assis au pied de la baignoire et la regarde d'un air malicieux.
- Mais qu'est-ce que tu fous là, toi ? s'exclame la jeune femme en saisissant sa serviette.
Elle sort de sa baignoire, évite tant bien que mal le gros chien qui prend presque toute la place. Il ne bouge pas un cil et tandis qu'il la fixe, la gueule ouverte, la langue dehors, Olivia est persuadée qu'il se moque d'elle.
- Profite ! Rince-toi l’œil, parce que c'est la dernière fois !
Elle réalise que la porte de la salle de bains est grande ouverte. Se penchant vers lui, elle caresse vigoureusement Flaubert derrière l'oreille.
- Et en plus, tu sais ouvrir les portes... tu es un malin, toi !

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samedi 11 juillet 2015

Episode 2 - La Traversée Inattendue...


2

Le thermostat flirte avec les 29° dès le samedi matin. Olivia s'est réveillée en nage et de mauvais poil. Les dernières nuits, moites, l'ont promenée d'aventures en aventures imaginaires, et l'aube la cueille désorientée, perdue entre réalité et effluves d'un autre monde.
Pour un peu, elle rejouerait "le Bateau Ivre" de Queneau.

Elle baille et se traîne à la cuisine. Un café, voilà qui lui ferait le plus grand bien. Tripotant les dosettes de sa Tassimo, elle enclenche la machine. Réalise qu'elle a oublié de mettre la tasse sous le bec verseur. Se précipite vers le placard, fait demi-tour pour appuyer sur le bouton STOP, tandis que le café coule et se répand sur le carrelage blanc.
"- Ah mais, merde là ! s'écrie-t-elle, tout à coup bien réveillée.
En panique, elle laisse échapper la tasse, la rattrape maladroitement, et reste agrippée au comptoir, l'objet coincé entre ses mains. Un court instant, Olivia, immobile, regarde le chantier : une belle flaque à ses pieds, fumante, et de larges éclaboussures tout autour de la Tassimo.

jeudi 9 juillet 2015

Episode 1



1

 

Le mois de juin s'achève dans une ambiance caniculaire. Peu à peu, les citadins quittent les grandes agglomérations, par vagues, vers leur Arche de Noé côtière, en Bretagne, dans le Sud, la Rochelle, peu importe, du moment qu'il y a de l'eau et des boutiques de souvenirs.
Olivia, assise à son bureau, grimace en songeant à ces bungalows bien alignés dans les campings, tous les mêmes, où s'entassent pour quinze jours, trois semaines, les mêmes types qui se croisent parfois tout le reste de l'année dans les grandes villes. Faire la queue à la Poste, aux cabines d'essayage, pour acheter une baguette, et pendant l'été, faire la queue aux sanitaires du camping... drôles de vacances. Mais peut-être est-ce son besoin de solitude totale qui la rend cynique. Olivia est ce qu'on pourrait appeler une ermite urbaine. La jeune femme travaille de chez elle, surtout pour éviter les relations de bureau. Parfois, aucun son ne passe la barrière de ses lèvres closes, si ce n'est pour répondre à ses clients par téléphone - l'une des pires inventions selon elle.

Pour la troisième fois depuis cinq minutes, elle soupire et s'éponge le front du revers de la main. Il fait très chaud, et la ville, dans une cuvette, semble prisonnière sous une cloche de vapeurs brûlantes. 
Un coup d'oeil au thermostat : il fait 32° rien que dans la pièce.

Une pause s'impose.

mercredi 1 juillet 2015

Chat noir chanceux...

Il fait beau cette semaine-là. Jon Snow dans ses (rares) moments d'optimisme aurait même dit un truc du genre "Spring is coming"...
Forcément, comme à chaque fois que les fleurs s'ouvrent et que les mimosas font sentir leur arôme si particulier, Lillie a chargé sa valise et débarqué dans son Sud natal.

Pour l'occasion, elle est partie avec toute la clique : le chien ET le chat, en train. Pour la petite histoire, il faut savoir que la gentille SNCF fait payer la place aux chiens de plus de 6kilos. Le prix ? Facile : celui d"un billet plein pot, à moitié prix. Pour ce voyage, Lillie a payé 52 euros sa place. Le petit Jeddak, lui, a coûté 35euros ! Tout ça sans avoir le droit, malgré le billet, de se coucher sur le fauteuil. Merci qui ? Merci la SNCF ! (rassurez-vous, l'aventure de Lillie, Gustave et Jeddak en train vous sera comptée tout bientôt !)
Quant à Gustave, le gros et gras chat blanc, il remplit bien sa cage de transport, et sagement, pionce pendant le voyage. Il ronfle même, sûrement satisfait de savoir que quand sa maîtresse devra porter sa cage, elle sera à deux doigts de se fêler une vertèbre sous le poids. Satisfait aussi de partir en vacances, lui qui, normalement, aurait dû rester à la maison.

Bref, le mardi, après 3h de trajet, Lillie et sa bande débarquent à la zonzon. Le mistral la cueille avec un vice non dissimulé : bourrasque après bourrasque, il la décoiffe, la pousse, entrave la valise qui roule mal, agite la cage du chat. Et soulève les oreilles du beagle qui n'apprécie guère la farce et remue dans tous les sens, mâchoires ouvertes. Mordre le vent, tout le monde le sait, c'est comme ça qu'on le fait disparaître...
Le Mistral, ça l'énerve vite, la Lillie. Ca fait du bruit, les affaires s'envolent, ça décoiffe. Mais au moins, il a une utilité non négligeable : il chasse les nuages. Et ce jour-là, il n'y en a pas un seul, faisant du ciel une magnifique toile d'un bleu azur profond et sans défauts.
Elle soupire d'aise en s'installant dans la voiture de la mère. La semaine va être parfaite, elle a hâte de profiter des bois, de l'odeur des plantes sauvages, des embruns dans les calanques. De voir les copines.
Le jeudi midi d'ailleurs, après deux jours à marcher avec son Beagle de combat (comme tout chien de chasse qui se respecte, il a une bouille d'amour et aboie continuellement...), Lillie rejoint sa copinette au resto. Quoi de mieux qu'un bon dej' entre copines pour ponctuer des vacances parfaites ?
Le bistrot est agréable, les desserts aussi jolis que bons. Les conversations vont bon train.