lundi 4 janvier 2016

La dernière cagade de 2015

Ces derniers temps, Lillie enchaîne les boulettes. Ce qui devrait être simple, pour tout être normalement constitué, devient immanquablement un obstacle insurmontable pour elle. Un enchevêtrement de déconvenues, de galères, agrémentés d'un soupçon de santé défaillante et les journées de la jeune femme se transforment en parcours du combattant.
Fatiguée par l'année 2015, déjà pourrie par un climat national et international particulièrement inquiétant (tu parles d'un scoop), mais aussi par un paysage personnel assez compliqué, Lillie a grand hâte de tourner la page des derniers 365 jours (à la louche), et de s'accroupir sur une ligne de départ toute neuve.
C'est donc avec une ferme volonté de regarder devant qu'elle part à la montagne avec l'homme. Et le chien.
Et les lutins. Évidemment.

Le paysage ne ressemble guère à ce qu'on attend des chaînes montagneuses de décembre. Seules les pistes étincellent d'un blanc immaculé, preuve que la commune fera fi de l'écologie (la Cop 21 ? Connais pas !) pour courir dans les bras de la consommation... Toujours est-il que les falaises qui cisaillent le ciel tirent au vert, au brun.
Ce n'est pas un souci pour Lillie. La nature fait ce qu'elle peut. La neige à Noël, elle en a eu suffisamment en se matant tous les films dégoulinants de mièvrerie qu'on nous sert tous les ans entre TF1, M6 et TMC. Profiter du décor, l'oreille déconnectée du bourdonnement constant de la ville, en promenant l'animal en forêt, c'est un plaisir simple qui réjouit la jeune femme. Et une bonne mise en bouche avant la fête annoncée du jour de l'an.



Mais une fois la contemplation silencieuse passée, il est temps de se préparer, soirée déguisée oblige. Lillie aurait préféré une jolie robe et des paillettes, mais ressembler à une prof de catéchisme des années 80 pour quelques heures, ça fera l'affaire aussi.
D'autant que des talons et une petite robe par -5°, elle a beau être courageuse la Lillie, il n'en reste pas moins qu'elle se serait pelé la rondelle. Alors pour l'occasion, elle a sorti les chaussures de randonnée. Ce n'est pas esthétique, mais au moins ses pieds ne perdront pas leur sensibilité.

La soirée débutée dans un resto typique de la montagne, entre bois pierre et génépi, Lillie s'attaque au buffet. Pour le coup, il fait honneur au dernier jour de l'année : escargots, écrevisses, foie gras, huîtres, fromages, planches de charcuterie... et des mini hamburgers au reblochon, la meilleure invention de ce siècle. Bref. Tout y est pour s'en mettre plein la panse, arrosé d'un punch bien corsé, parfait pour oublier qu'il meule sa mère de l'autre côté de la baie vitrée.
Bon, le festin, malheureusement ne sera pas du goût de son estomac. Mais ça, c'est une autre histoire.

Le punch, lui, fait son boulot comme on l'attend de lui. A plus de 22h, la cinquantaine d'invités déguisés selon la thématique "A l'ancienne", dépenaillés et grimés, en mamies, et autre Cindy Lauper low cost, gesticulent et vocifèrent sur du Joe Dassin (si-si, Joe a de beaux jours devant lui à la montagne...). Lillie, elle, joue les piliers de bar, accoudée au comptoir. En pleine conversation avec une pin up, elle songe que c'est quand même un costume nettement plus classe que celui de prof de cathé des années 80... Elle sirote son punch, tandis que les couleurs autour d'elle se floutent à mesure des heures, noyées dans le brouhaha.
Soudain, la musique fait un bond dans le temps de 20ans. On atteint enfin un rythme plus entraînant et festif. Avec son acolyte, Lillie commence à danser. Rien de tel qu'une bonne chanson de boys band vintage pour s'amuser. Ca y est, la fête commence.
Tout le monde rit et chante à tue-tête, c'est quand même vachement plus fun que Dassin.
Toute à son enthousiasme, Lillie suit la jeune femme dans les mouvements de danse les plus connus : le ne bouché et la mini vague, les bras tendus qui montent et descendent façon pédalo, le pseudo moonwalk... on massacre allègrement les classiques chorégraphiques à grand renfort de rires. Prise dans la spirale, Lillie s'attrape la cheville et tente -TENTE- ce fameux pas de danse de rap ou hip-hop des années 90 (peu importe la période et l'origine d'ailleurs, l'important c'est qu'il ne FAUT PAS le reproduire chez soi !). A contre-temps, à demi déséquilibrée, elle sautille bêtement en tapant son coude gauche avec son genoux droit. Avant d'abandonner la manœuvre, morte de rire et essoufflée. La danse élaborée, ce n'est pas pour elle. Elle a stoppé sa carrière à 4 ans, au bout de deux semaines à se faire des grimaces en tutu dans la glace.
Elle lâche sa cheville, la tête déjà à son verre de punch. Mais c'est sans compter sur le hasard, l'alignement des planètes, la poisse, les plaies d'Egypte, les lutins...
La bague en or de Lillie trouve le moyen sournois de se glisser dans un des crochets de sa chaussure de randonnée. Entraînée par le mouvement, la jeune femme prise dans sa pompe, plonge en avant. Habituée aux chutes et l'esprit encore clair, elle se rattrape in extremis, et termine à genoux. 

Sans se départir de son sourire, elle prend un air dégagé, "Tout va bien dans le meilleur des mondes", et essaie de libérer sa bague. Mais l'anneau, déformé, reste prisonnier du crochet. Elle tire sur son doigt, mais rien ne bouge. Elle est coincée. Alors, elle fait semblant de refaire son lacet. Sauf que la pinup a assisté à la scène. Elle, elle sait bien qu'il n'y a pas de lacet à refaire. Se penchant pour l'aider, elle tend les mains. Mais allez être utile vous, avec un fou-rire ! Elle se marre comme une baleine, incapable de finir ses phrases. Et pour sa défense, il y a de quoi. L'annulaire de Lillie rougit et gonfle, étouffé par sa ceinture d'or trop serrée.
Autour des deux femmes, les gens continuent à gigoter, jetant des regards sur ces deux nouilles assises par terre en plein milieu de la piste de danse.
Au bout d'une très longue minute à rire -mieux vaut ça que pleurer non ?- et à envisager de drôles de solutions (couper la bague, demander à la copine de lui lécher le doigt... sans penser une seconde à enlever la chaussure - idée qui germera seulement le lendemain matin), Lillie parvient à se dégager. Elle se relève, le visage rougi par un mélange d'hilarité gênée et d'une pointe d'exaspération : pourquoi faut-il toujours que ça lui arrive à elle ?
Le doigt est tout rouge, orné d'un tatouage blanchâtre imitation bague. Le crochet de sa chaussure est écarté. Et son orgueil en a pris pour son grade. Parce que, comme de bien entendu, l'affaire n'est pas passée inaperçue : la copine est complètement hilare, et les spectateurs viennent lui témoigner presque du respect : "on a beau t'avoir vue faire, franchement, on a rien compris ! T'es trop forte !". Et évidemment, toujours la même question, incidents après incidents : "Mais t'en fais souvent des comme celle-là ? C'est ton mec qui doit se marrer".
Oui, il se marre, le bougre. Tous-les-jours.

A minuit passé, Lillie est assise sur une chaise dans un coin. Et fait son bilan annuel. 2015 aura vraiment été une année de merde. De merde intégrale. Elle a tiré sa révérence, mais cette bougresse aura lutté jusqu'à la dernière minute pour laisser une petite dédicace.
Peut-être que 2016 sera plus douce, plus clémente.

Suspense...



1 commentaire:

  1. Ha ha ha ha, j'avoue que ça m'aurait bien plu d'assister à cette soirée ^^
    Bonne année à toi Lillie !

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