lundi 7 septembre 2015

La malédiction du Pommeau...

Chouette ! Une histoire de chevaliers ! Rien de surprenant quand on sait que ce blog devient une usine à nouvelles en puissance, avec sa "Saga de l'Eté" !
Mais que nenni, cher ami !
Aujourd'hui, point de nouvelle grandiloquente ou épique, sur les aventures chevaleresques de quelques fougueux camarades. 
Le pommeau n'est pas celui d'une épée...
Mais celui de la douche de Lillie. Moins romantique, vous pouvez en convenir. Mais peut-être tout aussi épique sera l'histoire que vous allez lire.


Un matin que Lillie se lève aux aurores, les stores de ses paupières encore à moitié baissés, elle se dirige dans la salle de bains. Pour une fois, c'est la première à se doucher. Avec des mouvements lent, évitant mollement la langue du Beagle qui goûte son mollet, elle ôte son pyjama. Et tandis que l'Homme lui parle à travers la porte, elle ne répond que par de rauques grognements. Enjambant la baignoire, son dernier doigt de pied, en retard comme souvent, rencontre la charmante faïence en un doux craquement.
"- Aïe ! Mais putaiiiin..."
La voix est encore enfarinée, le sourcil froncé mais encore endormi.
Il faut toujours attendre un peu avant que l'eau ne devienne chaude. Le pommeau de douche à la main, Lillie est appuyée au mur, la tête contre le carrelage, les yeux clos. Tenant à distance le jet, pour éviter toute éclaboussure glaciale sur sa peau encore chaude d'avoir été enroulée dans sa couette.
Quand des vapeurs montent de la baignoire, elle s'arrose la tête et mouille ses cheveux. Ça la réveille un peu, les paupières se font moins lourdes. Il lui faut toujours bien cinq minutes à s'asperger le visage pour émerger de sa nuit et retrouver un semblant d'urbanité.
Mais la pression n'est pas assez forte ce matin. Soupirant, elle ouvre les yeux et étudie le tuyau, probablement emmêlé. Aucun problème de ce côté-là. Par contre, la visse qui le relie au robinet de la baignoire laisse échapper un mince filet d'eau. Machinalement, elle se penche pour la resserrer. 
Et alors que sa main manipule la petite pièce de métal, celle-ci se détache brutalement. Un geyser d'eau bouillonnante lui explose dessus, le tuyau d'un côté, le robinet de l'autre.
- Foutre, foutre merde ! s'exclame-t-elle, bien réveillée, à moitié mouillée.
Le fond de la baignoire est rempli, le rideau froid lui colle au cul quand elle se penche pour tourner la poignée et couper l'eau trop chaude.
Elle entreprend, penchée en avant, de remettre la visse. Qui évidemment n'est pas d'accord. Et se casse en deux, pour bien le lui faire comprendre.
- Ah mais foutre ! Foutre merde !
- Mais qu'est-ce que tu as à hurler comme ça ? s'enquit l'Homme, derrière la porte.
- C'est la foutue visse sous le robinet. Elle a pété, et maintenant le pommeau de douche, y marche pu !
- Ah ! Oui, j'ai vu que ça coulait un peu hier. Ca doit être à cause de calcaire.
- Et tu pouvais pas réparer quand tu as vu que ça coulait ?
- Bah, j'ai pas eu le temps.
- Oui, et ben en attendant, c'est moi maintenant qui me retrouve comme une quiche !
La colère commence à lui piquer le nez. Entre son pied qui pulse encore, le rideau de douche qui la joue frotteman, et ça, la journée s'annonce parfaite... Elle rage dans sa baignoire.
- Su-per ! Je suis à moitié trempée. Comment je fais pour me laver les cheveux avec ce con de pommeau de douche qui MARCHE PLUS !
A chaque mot, le volume sonore augmente.
- Tu n'as qu'à te mettre à genoux sous le robinet, répond l'Homme d'un ton pragmatique. Puis il s'éloigne en riant
Elle lève les yeux au ciel avec une moue de bouledogue. Puis elle se visualise, nue les fesses en bombe, à genoux dans la baignoire, la tête sous l'eau.
- C'est un coup à m'assommer, ton idée ! répond-elle en se baissant. Elle tourne le robinet d'eau chaude et le regarde avec rancoeur. Et se penche.
A ce moment-là, l'Homme entre dans la salle de bains et tire légèrement le rideau. Lillie a les cheveux par-dessus le visage comme un vieux poulpe noirâtre.
- Au fait, je dis ça comme ça, mais tu peux aussi remplir la baignoire. Ce serait plus pratique, non ?
La jeune femme le fixe à travers sa masse capillaire humide, d'un oeil torve passablement agacé. Elle grogne en guise d'acquiescement. L'Homme tourne les talons avant de lui lancer :
- Ca se voit que c'est le matin, ma chérie. J'ai l'impression d'avoir la meuf de "The Ring" dans ma baignoire !
- Je t'emmerde !
Mais l'Homme a déjà fermé la porte en sortant, accompagné de son propre rire satisfait. Comment peut-on être d'aussi bonne humeur, si tôt, quand elle-même pourrait sauter à la gorge du premier venu s'il a le malheur de la regarder de travers ?
- Saloperie, bougonne Lillie en mettant le bouchon de la baignoire.

L'évidence veut que la journée qui suivit son épique douche continua sur la lancée. Une demi-chute dans l'escalator du centre commercial, le craquage du sac de couche à 3m de la porte d'entrée, le coup de téléphone qui met fin à un projet tellement espéré, et des poignées dans un wagon de métro, qu'elle se prend en pleine poire.
Quand le soir tombe, Lillie est planquée dans son bureau, gribouillant sur fond de jazz, attendant patiemment que les Lutins achèvent leur vicieuse besogne.
L'Homme rentre. Il est en retard, après une excursion à Castoche. Il brandit la nouvelle visse, greffée sur une attache de pommeau.
- Ca sera plus pratique pour poser le pommeau de douche quand on a finit.
Dix minutes plus tard, la fuite est réparée. Et Lillie étudie le travail de sa moitié avant de se tourner vers lui.
- C'était une bonne idée cette accroche. Mais t'es au courant que c'est pour les vraies douches ? Et qu'on a une baignoire ?
- ben ?
- Ben l'accroche est vers le bas, gros malin. Le pommeau va se casser la gueule.
Et d'en faire la démonstration.
- Ah voui.
Silence. L'Homme hausse les épaules. 
- Tu me rappelleras de ne jamais te confier de travaux ? se moque Lillie.
- Au moins, ya plus de fuite.
- C'est vrai. Merci, Bricolo !
L'Homme lui fait un clin d'oeil. Il est de bon ton de fêter la fin des travaux, même les plus simples.
- Bière ?
- Bière !

*******

On aurait pu croire l'incident clos. Mais quand on a une cohorte de Lutins collés aux basques, ce qui est simple pour d'autres ne l'est jamais chez Lillie.
Ainsi, le lendemain matin, la jeune femme grimpe dans sa baignoire et attrape le pommeau de douche, pour son rituel matinal. La pression est bonne, l'eau est chaude. Tout semble rouler. Mais elle se griffe le doigt sur le tuyau. Un coup d'oeil... le tube en métal articulé est désolidarisé du pommeau et dévoile le fin tuyau en plastique noir où l'eau passe.
- OOOOOk ! souffle Lillie. 
En essayant de revisser le tube, elle s'écorche le doigt.
Elle repense à l'Homme, qui la veille a fait un tour à Castoche pour réparer la fuite. Elle avait failli lui dire de prendre la totale visse-tuyau-pommeau avant de se dire que, quand même, se serait pas de chance que le tuyau pète lui aussi.
Pas de chance... Elle aurait dû s'en douter !
- Oh et pi merde !
La pression est bonne, l'eau est chaude. Le tuyau peut aller se faire foutre. Lillie aura sa douche du matin, et pi c'est tout !

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